Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LK SUICIDK ET LKS ALTKES PHENOMENES SOCIAUX. 407 les offenses dirigées contre la famille sont considérées coname des sacrilèges qui ne sauraient être trop cruellement vengés et dont la vengeance ne peut être abandonnée à des tiers. C’est de là qu’est venue la pratique de la vendetta qui ensanglante encore notre Corse et certains pays méridionaux. Là où la foi religieuse est très vive, elle est souvent inspiratrice de meurtres et il n’en est pas autrement de la foi politique. De plus et surtout, le courant homicide, d’une manière géné- rale, est d’autant plus violent qu’il est moins contenu par la conscience publique, c’est-à-dire que les attentats contre la vie sont jugés plus véniels; et, comme il leur est attribué d’autant moins de gravité que la morale commune attache moins de prix à l’individu et à ce qui l’intéresse, une individuation faible ou, pour reprendre notre expression, un état d’altruisme excessif pousse aux homicides. Voilà pourquoi, dans les sociétés infé- rieures, ils sont à la fois nombreux et peu réprimés. Celte fré- quence et l’indulgence relative dont ils bénéficient dérivent d’une seule et même cause. Le moindre respect dont les per- sonnalités individuelles sont l’objet les expose davantage aux violences, en même temps qu*il fait paraître ces violences moins criminelles. Le suicide égoïste et l’homicide ressortissent donc à des causes antagonistes et, par conséquent, il est impossible que Tun puisse se développer à l’aise là où Tautre est florissant. Là où les passions sociales sont vives, l’homme est beaucoup moins enclin soit aux rêveries stériles soit aux froids calculs de l’épicurien. Quand il est habitué à compter pour peu de chose les destinées particuHères, il n’est pas porté à s’interroger anxieu- sement sur sa propre destinée. Quand il fait peu de cas de lu douleur humaine, le poids de ses souffrances personnelles lui est plus léger. Au contraire, et pour les mêmes causes, le suicide altruiste et l’homicide peuvent très bien marcher .parallèlement; car ils dé- pendent de conditions qui ne diffèrenLau’en degrés. Quand on est dressé à mépriser sa propre exister e, on ne peut pas esti- mer beaucoup celle d’autrui. C’est ^ cette raison qu’homi- cides et morts volontaires sont égaletfN<t à l’état endémique