Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/463

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CONSÉQUENCES PRATIQUES. 44 i partie, acquittée de ce rôle, y serait maintenant impropre. Car le principe nécessaire de la seule réglementation à laquelle elle puisse soumettre la vie économique, c’est le mépris de la ri- chesse. Si elle exhorte les fidèles à se contenter de leur sort, c’est en vertu de cette idée que notre condition terrestre est in- différente à notre salut. Si elle enseigne que notre devoir est d’accepter docilement notre destinée telle que les circonstances l’ont faite, c’est afin de nous attacher tout entiers à des fins plus dignes de nos efforts ; et c’est pour cette même raison que, d’une manière générale, elle recommande la modération dans les désirs. Mais cette résignation passive est inconciliable avec la place que les intérêts temporels ont maintenant prise dans l’exis- tence collective. La discipline dont ils ont besoin doit avoir pour objet, non de les reléguer au second plan et de les réduire autant que possible, mais de leur donner une organisation qui soit en rapport avec leur importance. Le problème est devenu plus complexe, et si ce n’est pas un remède que de lâcher la bride aux appétits, pour les contenir, il ne suffit plus de les comprimer. Si les derniers défenseurs des vieilles théories éco- nomiques ont le tort de méconnaître qu’une règle est néces- saire aujourd’hui comme autrefois, les apologistes de l’institu- tion religieuse ont le tort de croire que la règle d’autrefois puisse être efficace aujourd’hui. C’est même son inefficacité actuelle qui est la cause du mal. Ces solutions faciles sont sans rapport avec les difficultés de la situation. Sans doute, il n’y a qu’une puissance morale qui puisse faire la loi aux hommes; mais encore faut-il qu’elle soit assez mêlée aux choses de ce monde pour pouvoir les estimer à leur véritable valeur. Le groupe professionnel présente ce double caractère. Parce qu’il est un groupe, il domine d’assez haut les individus pour mettre des bornes à leurs convoitises; mais il vit trop de leur vie pour ne pas sympathiser avec leurs besoins. Il reste vrai, d’ailleurs, que l’Etat a, lui aussi, des fonc- tions importantes à remplir. Lui seul peut opposer au particu- larisme de chaque corporation le sentiment de l’utilité généra^e et les nécessités de l’équilibre organique. Mais nous savons que