Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/137

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sociétés furent particulièrement l’objet de recherches qui intéressent le totémisme. Ce sont, d’abord, les tribus du Nord-Ouest, les Tlinkit, les Haida, les Kwaliutl, les Salish, les Tsimshian ; c’est ensuite la grande nation des Sioux ; enfin, au centre de l’Amérique, les Indiens des Pueblo. Les premiers furent principalement étudiés par Dall, Krause, Boas, Swanton, Hill-Tout ; les seconds par Dorsey ; les derniers par Mindeleff, Mrs. Stevenson, Cushing[1]. Mais, si riche que fût la moisson de faits que l’on recueillait ainsi de toutes parts, les documents dont on disposait restaient fragmentaires. Si les religions américaines contiennent de nombreuses traces de totémisrne, elles ont pourtant dépassé la phase proprement totémique. D’autre part, en Australie, les observations n’avaient guère porté que sur des croyances éparses et des rites isolés, rites d’initiation et interdits relatifs au totem. Aussi est-ce avec des faits pris de tous les côtés que Frazer avait tenté de tracer un tableau d’ensemble du totémisme. Or, quel que soit l’incontestable mérite de cette reconstitution, entreprise dans ces conditions, elle ne pouvait pas ne pas être incomplète et hypothétique. En définitive, on n’avait pas encore vu une religion totémique fonctionner dans son intégralité.

C’est seulement dans ces dernières années que cette grave lacune a été comblée. Deux observateurs d’une remarquable sagacité, MM. Baldwin Spencer et F.-J. Gillen, ont, en partie[2], découvert, dans l’intérieur du continent

  1. Nous nous bornons à donner ici les noms des auteurs ; les ouvrages seront indiqués plus tard quand nous les utiliserons.
  2. Si Spencer et Gillen ont été les premiers à étudier ces tribus d’une manière approfondie, ils ne furent cependant pas les premiers à en parler. Howitt avait signalé l’organisation sociale des Wuaramongo (Wariramunga de Spencer et Gillen), dès 1888 dans Further Notes on the Australian Classes in Journal of the Anthropological Institute (désormais J.A.I.), p. 44-45. Les Arunta avaient déjà été sommairement étudiés par Schulze (The Aborigines of the Upper and Middle Finke River, in Transactions of the Royal Society of South Australia, t. XIV, 2° fasc.) ; l’organisation des Chingalee (les Tjingilli de Spencer et Gillen), des Wombya, etc., par Mathews (Wombya Organization of the Australian Aborigines, in American Anthropologist, nouvelle série, II, p. 494 ; Divisions of Some West Australian Tribes, ibid., p. 185 ; Proceed. Amer. Philos. Soc., XXXVII, p. 151-152 et Journal Roy. Soc. of N. S. Wales, XXXII, p. 71 et XXXIII, p. 111). Les premiers résultats de l’enquête faite sur les Arunta avaient, d’ailleurs, été publiés déjà dans le Report on the Work of the Horn Scientific Expedition in Central Australia, Part. IV (1896). La première partie de ce Rapport est de Sterlin, la seconde est de Gillen ; la publication tout entière était placée sous la direction de Baldwin Spencer.