Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/142

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Pour une recherche de ce genre, tous les peuples peuvent être mis à contribution. Sans doute, on interrogera de préférence les plus primitifs parce que cette nature initiale a plus de chances de s’y montrer à nu ; mais puisqu’on peut également la retrouver chez les plus civilisés, il est naturel qu’ils soient également appelés en témoignage. À plus forte raison, tous ceux qui passent pour n’être pas trop éloignés des origines, tous ceux que l’on réunit confusément sous la rubrique imprécise de sauvages, seront-ils mis sur le même plan et consultés indifféremment. D’autre part, comme, de ce point de vue, les faits n’ont d’intérêt que proportionnellement à leur degré de généralité, on se considère comme obligé de les accumuler en aussi grand nombre que possible ; on ne croit pas pouvoir trop étendre le cercle des comparaisons.

Telle ne saurait être notre méthode, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, pour le sociologue comme pour l’historien, les faits sociaux sont fonction du système social dont ils font partie ; on ne peut donc les comprendre quand on les en détache. C’est pourquoi deux faits, qui ressortissent à deux sociétés différentes, ne peuvent pas être comparés avec fruit par cela seul qu’ils paraissent se ressembler ; mais il faut de plus que ces sociétés elles-mêmes se ressemblent, c’est-à-dire ne soient que des variétés d’une même espèce. La méthode comparative serait impossible s’il n’existait pas de types sociaux, et elle ne peut être utilement appliquée qu’à l’intérieur d’un même type. Que d’erreurs n’a-t-on pas commises pour avoir méconnu ce précepte ! C’est ainsi qu’on a indûment rapproché des faits qui, en dépit de ressemblances extérieures, n’avaient ni le même sens ni la même portée ; la démocratie primi-