Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/241

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parfois, dans ce but, de procédés divinatoires. Par exemple, à la baie Charlotte, au cap Bedford, sur la rivière Proserpine, la grand-mère ou d’autres vieilles femmes prennent une petite portion du cordon ombilical à laquelle le placenta est attaché et font tourner le tout assez violemment. Pendant ce temps, d’autres vieilles femmes, assises en cercle, proposent successivement différents noms. On adopte celui qui est prononcé juste au moment où le cordon se brise[1]. Chez les Yarraikanna du cap York, après que la dent a été arrachée au jeune initié, on lui donne un peu d’eau pour se rincer la bouche et on l’invite à cracher dans un baquet rempli d’eau. Les vieillards examinent avec soin l’espèce de caillot formé de sang et de salive qui est ainsi rejeté, et l’objet naturel dont il rappelle la forme devient le totem personnel du jeune homme[2]. Dans d’autres cas, le totem est directement transmis d’un individu à un autre, par exemple du père au fils, de l’oncle au neveu[3]. Ce procédé est également employé en Amérique. Dans un exemple que rapporte Hill Tout, l’opérateur était un shamane[4] qui voulait transmettre son totem à son neveu. « L’oncle prit l’emblème symbolique de son snam (totem personnel) ; c’était, en l’espèce, la peau desséchée d’un oiseau. Il invita son neveu à souffler dessus, puis il en fit autant lui-même et prononça des paroles mystérieuses. Il sembla alors à Paul (c’était le nom du neveu) que la peau devenait un oiseau vivant qui se mit à voltiger autour d’eux pendant quelques moments pour disparaître ensuite. Paul reçut pour instructions de se procurer, ce jour même, la peau d’un oiseau de même espèce et de la porter sur lui ; ce qu’il fit. La nuit

  1. Roth, loc. cit.
  2. Haddon, Head Hunters, p. 193 et suiv.
  3. Chez les Wiradjuri (mêmes références que plus haut, p. 231, n. 5).
  4. En général, il semble bien que ces transmissions de père à fils ne se produisent que quand le père est un shamane ou un magicien. C’est le ces également chez les Indiens Thompson (Teit, The Thompson Indians, p. 320) et chez les Wiradjuri dont il vient d’être question.