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qui était venu les révéler à la tribu tout entière. Ainsi, chez les Arunta, c’est un ancêtre du clan du Chat-sauvage, nommé Putiaputia[1], qui passe pour avoir appris aux hommes la manière de fabriquer les churinga et de les employer rituellement ; chez les Warramunga, c’est Murtu-murtu[2] ; chez les Urabunna, c’est Witurna[3] ; c’est Atnatu chez les Kaitish[4] et Tundun chez les Kurnai[5]. De même, les pratiques de la circoncision sont attribuées par les Dieri de l’est et plusieurs autres tribus[6] à deux Mura-mura déterminés, par les Arunta, à un héros de l’Alcheringa, du totem du Lézard, nommé Mangatrkunjerkunja[7]. Au même personnage sont rapportées l’institution des interdictions matrimoniales et l’organisation sociale qu’elles impliquent, la découverte du feu, l’invention de la lance, du bouclier, du boomerang, etc. Il arrive, d’ailleurs, très souvent que l’inventeur du bull-roarer est aussi considéré comme le fondateur des rites de l’initiation[8].

Ces ancêtres spéciaux ne pouvaient être mis au même rang que les autres. D’une part, les sentiments de vénération qu’ils inspiraient n’étaient pas limités à un clan,

  1. Strehlow, I, p. 9. Putiaputia n’est pas, d’ailleurs, le seul personnage de ce genre dont parlent les mythes Arunta : certaines portions de la tribu donnent un nom diffèrent au héros auquel elles attribuent la même invention. Il ne faut pas oublier que l’étendue du territoire occupé par les Arunta ne permet pas à la mythologie d’être parfaitement homogène.
  2. Spencer et Gillen, North. Tr., p. 493.
  3. Ibid., p. 498.
  4. Ibid., p. 498-499.
  5. Howitt, Nat. Tr., p. 135.
  6. Ibid., p. 476 et suiv.
  7. Strehlow, I, p. 6-8. L’œuvre de Mangarkunjerkunja dut être reprise plus tard par d’autres héros ; car, suivant une croyance qui n’est pas particulière aux Arunta, un moment vint où les hommes oublièrent, les enseignements de leurs premiers initiateurs et se corrompirent.
  8. C’est le cas, par exemple, d’Atnatu (Spencer et Gillen, North. Tr., p. 153), de Witurna (North. Tr., p. 498). Si Tundun n’a pas institué les rites, c’est lui qui est chargé d’en diriger la célébration (Howitt, Nat. Tr., p. 670).