Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nies particulièrement importantes[1]. L’exceptionnelle solennité des rites d’initiation fait que, dans certaines tribus, les femmes[2] ne peuvent même pas voir les lieux où ils ont été célèbres ni le néophyte lui-même[3]. Le caractère sacré qui est immanent à la cérémonie tout entière se retrouve naturellement dans la personne de ceux qui la dirigent ou qui y prennent une part quelconque ; il en résulte que le novice ne peut lever les yeux sur eux, et la défense survit même après que le rite est accompli[4]. Le mort, lui aussi, est parfois soustrait aux regards : sa face est recouverte de manière à ce qu’elle ne puisse être vue[5].

La parole est une autre façon d’entrer en relations avec les personnes ou avec les choses. Le souffle expiré établit la communication ; c’est quelque chose de nous qui se répand au-dehors. Aussi est-il interdit aux profanes d’adresser la parole aux êtres sacrés ou simplement de parler en leur présence. De même que le néophyte ne doit regarder ni les opérateurs ni les assistants, il lui est défendu de converser avec eux autrement que par signes ; et cette interdiction persiste jusqu’à ce qu’elle ait été levée au moyen d’un rite spécial[6]. D’une manière générale, il y a, chez les Arunta, au cours des grandes cérémonies, des moments ou le silence est de rigueur[7]. Dès que les churinga sont exposés, on se tait ; ou bien, si l’on parle, c’est à voix basse et du bout des lèvres[8].

En dehors des choses sacrées, il y a des mots, des sons qui ont le même caractère : ils ne doivent ni se trouver sur les lèvres des profanes ni frapper leurs oreilles. Il y a des

  1. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 624.
  2. Howitt, Nat. Tr., p. 572.
  3. Howitt, ibid., p. 661.
  4. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p.386 ; Howitt, Nat. Tr., p. 655, 665.
  5. Chez les Wiimbaio (Howitt, ibid., p. 451).
  6. Howitt, ibid., p. 624, 661, 663, 667 ; Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 221, 382 et suiv. ; North. Tr., p. 335, 344, 353, 369.
  7. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 221, 262, 288, 303, 367, 378, 380.
  8. Ibid., p. 302.