religieux[1]. Il y a même des cérémonies pendant lesquelles on est obligé de parler un langage spécial dont il est défendu de se servir dans les relations profanes. C’est un commencement de langue sacrée[2].
Non seulement les êtres sacrés sont séparés des profanes, mais rien de ce qui concerne, directement ou indirectement, la vie profane ne doit se mêler à la vie religieuse. Une nudité complète est souvent exigée de l’indigène comme une condition préalable pour qu’il puisse être admis à participer au rite[3], il est tenu de se dépouiller de tous ses ornements habituels, même de ceux auxquels il tient le plus et dont il se sépare le moins volontiers à cause des vertus protectrices qu’il leur attribue[4]. Si, pour jouer son rôle rituel, il est obligé de se décorer, cette décoration doit être faite spécialement pour la circonstance ; c’est un costume cérémoniel, un vêtement de fête[5]. Parce que ces ornements sont sacrés en raison de l’usage qui en a été fait, il est interdit de s’en servir dans les relations profanes : une fois que la cérémonie est close, on les enterre ou on les brûle[6] ; les hommes doivent même se laver de manière à n’emporter sur eux aucune trace des décorations dont ils étaient revêtus[7].
Plus généralement, les actes caractéristiques de la vie ordinaire sont interdits tandis que se déroulent ceux de la vie religieuse. L’acte de manger est, par lui-même, profane ; car il a lieu tous les jours, il satisfait des besoins essentiellement utilitaires et matériels, il fait partie de notre existence vulgaire[8]. C’est pourquoi il est prohibé en temps reli-
- ↑ Howitt, Nat. Tr., p. 657 ; Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 139 ; North. Tr., p. 580 et suiv.
- ↑ Howitt, Nat. Tr., p. 537.
- ↑ Ibid., p. 544, 597, 614, 620.
- ↑ Par exemple, la ceinture de cheveux qu’il porte d’ordinaire (Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 171).
- ↑ Ibid., p. 624 et suiv.
- ↑ Howitt, Nat. Tr., p. 556.
- ↑ Ibid., p. 587.
- ↑ Cet acte prend, il est vrai, un caractère religieux quand l’aliment consommé est sacré. Mais l’acte, par lui-même, est si bien profane que la consommation d’un aliment sacré constitue toujours une profanation. La profanation peut être permise ou même ordonnée, mais, comme nous le verrons plus loin, à condition que des rites la précèdent ou l’accompagnent qui l’atténuent ou l’expient. L’existence de ces rites montre bien que, par elle-même, la chose sacrée répugne à être consommée.