Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/124

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faits vulgaires, qui ne sont démonstratifs qu’à condition d’être très nombreux et qui, par suite, ne permettent que des conclusions toujours suspectes, des faits décisifs ou cruciaux, comme disait Bacon[1], qui, par eux-mêmes et indépendamment de leur nombre, ont une valeur et un intérêt scientifiques. Il est surtout nécessaire de procéder ainsi quand il s’agit de constituer des genres et des espèces. Car faire l’inventaire de tous les caractères qui appartiennent à un individu est un problème insoluble. Tout individu est un infini et l’infini ne peut être épuisé. S’en tiendra-t-on aux propriétés les plus essentielles ? Mais d’après quel principe fera-t-on le triage ? Il faut pour cela un critère qui dépasse l’individu et que les monographies les mieux faites ne sauraient, par conséquent, nous fournir. Sans même pousser les choses à cette rigueur, on peut prévoir que, plus les caractères qui serviront de base à la classification seront nombreux, plus aussi il sera difficile que les diverses manières dont ils se combinent dans les cas particuliers présentent des ressemblances assez franches et des différences assez tranchées pour permettre la constitution de groupes et de sous-groupes définis.

Mais quand même une classification serait possible d’après cette méthode, elle aurait le très grand défaut de ne pas rendre les services qui en sont la raison d’être. En effet, elle doit, avant tout, avoir pour objet d’abréger le travail scientifique en substituant à la multiplicité indéfinie des individus un nombre restreint de types. Mais elle perd cet avan-

  1. Novum Organum, II, § 36.