Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/152

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c’est donc dans la nature de la société elle-même qu’il faut aller chercher l’explication de la vie sociale. On conçoit, en effet, que, puisqu’elle dépasse infiniment l’individu dans le temps comme dans l’espace, elle soit en état de lui imposer les manières d’agir et de penser qu’elle a consacrées de son autorité. Cette pression, qui est le signe distinctif des faits sociaux, c’est celle que tous exercent sur chacun.

Mais, dira-t-on, puisque les seuls éléments dont est formée la société sont des individus, l’origine première des phénomènes sociologiques ne peut être que psychologique. En raisonnant ainsi, on peut tout aussi facilement établir que les phénomènes biologiques s’expliquent analytiquement par les phénomènes inorganiques. En effet, il est bien certain qu’il n’y a dans la cellule vivante que des molécules de matière brute. Seulement, ils y sont associés et c’est cette association qui est la cause de ces phénomènes nouveaux qui caractérisent la vie et dont il est impossible de retrouver même le germe dans aucun des éléments associés. C’est qu’un tout n’est pas identique à la somme de ses parties, il est quelque chose d’autre et dont les propriétés diffèrent de celles que présentent les parties dont il est composé. L’association n’est pas, comme on l’a cru quelquefois, un phénomène, par soi-même, infécond, qui consiste simplement à mettre en rapports extérieurs des faits acquis et des propriétés constituées. N’est-elle pas, au contraire, la source de toutes les nouveautés qui se sont successivement produites au cours de l’évolution générale des choses ? Quelles différences y a-t-il entre les organismes inférieurs et les autres,