Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il s’en affranchisse après l’avoir reçue et qu’il la dépasse en la complétant par une culture spécialement sociologique. Il faut qu’il renonce à faire de la psychologie, en quelque sorte, le centre de ses opérations, le point d’où doivent partir et où doivent le ramener les incursions qu’il risque dans le monde social, et qu’il s’établisse au cœur même des faits sociaux, pour les observer de front et sans intermédiaire, en ne demandant à la science de l’individu qu’une préparation générale et, au besoin, d’utiles suggestions[1].


III

Puisque les faits de morphologie sociale sont de même nature que les phénomènes physiologiques, ils doivent s’expliquer d’après cette même règle que

  1. Les phénomènes psychiques ne peuvent avoir de conséquences sociales que quand ils sont si intimement unis à des phénomènes sociaux que l’action des uns et des autres est nécessairement confondue. C’est le cas de certains faits socio-psychiques. Ainsi, un fonctionnaire est une force sociale, mais c’est en même temps un individu. Il en résulte qu’il peut se servir de l’énergie sociale qu’il détient, dans un sens déterminé par sa nature individuelle, et, par là, il peut avoir une influence sur la constitution de la société. C’est ce qui arrive aux hommes d’État et, plus généralement, aux hommes de génie. Ceux-ci, alors même qu’ils ne remplissent pas une fonction sociale, tirent des sentiments collectifs dont ils sont l’objet, une autorité qui est, elle aussi, une force sociale, et qu’ils peuvent mettre, dans une certaine mesure, au service d’idées personnelles. Mais on voit que ces cas sont dus à des accidents individuels et, par suite, ne sauraient affecter les traits constitutifs de l’espèce sociale qui, seule, est objet de science. La restriction au principe énoncé plus haut n’est donc pas de grande importance pour le sociologue.