Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/176

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lien ne rattache à la réalité et qui se tient en l’air, pour ainsi dire, ils lui donnent pour assises les instincts fondamentaux du cœur humain. L’homme est naturellement enclin à la vie politique, domestique, religieuse, aux échanges, etc., et c’est de ces penchants naturels que dérive l’organisation sociale. Par conséquent, partout où elle est normale, elle n’a pas besoin de s’imposer. Quand elle recourt à la contrainte, c’est qu’elle n’est pas ce qu’elle doit être ou que les circonstances sont anormales. En principe, il n’y a qu’à laisser les forces individuelles se développer en liberté pour qu’elles s’organisent socialement.

Ni l’une ni l’autre de ces doctrines n’est la nôtre.

Sans doute, nous faisons de la contrainte la caractéristique de tout fait social. Seulement, cette contrainte ne résulte pas d’une machinerie plus ou moins savante, destinée à masquer aux hommes les pièges dans lesquels ils se sont pris eux-mêmes. Elle est simplement due à ce que l’individu se trouve en présence d’une force qui le domine et devant laquelle il s’incline ; mais cette force est naturelle. Elle ne dérive pas d’un arrangement conventionnel que la volonté humaine a surajouté de toutes pièces au réel ; elle sort des entrailles mêmes de la réalité ; elle est le produit nécessaire de causes données. Aussi, pour amener l’individu à s’y soumettre de son plein gré, n’est-il nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie. Comme la supériorité