Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/58

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le désir de la richesse joue réellement ce rôle prépondérant. Par conséquent, la matière de l’économie politique, ainsi comprise, est faite non de réalités qui peuvent être montrées du doigt, mais de simples possibles, de pures conceptions de l’esprit ; à savoir, des faits que l’économiste conçoit comme se rapportant à la fin considérée, et tels qu’il les conçoit. Entreprend-il, par exemple, d’étudier ce qu’il appelle la production ? D’emblée, il croit pouvoir énumérer les principaux agents à l’aide desquels elle a lieu et les passer en revue. C’est donc qu’il n’a pas reconnu leur existence en observant de quelles conditions dépendait la chose qu’il étudie ; car alors il eût commencé par exposer les expériences d’où il a tiré cette conclusion. Si, dès le début de la recherche et en quelques mots, il procède à cette classification, c’est qu’il l’a obtenue par une simple analyse logique. Il part de l’idée de production ; en la décomposant, il trouve qu’elle implique logiquement celles de forces naturelles, de travail, d’instrument ou de capital et il traite ensuite de la même manière ces idées dérivées[1].

La plus fondamentale de toutes les théories économiques, celle de la valeur, est manifestement construite d’après cette même méthode. Si la valeur y était étudiée comme une réalité doit l’être, on verrait d’abord l’économiste indiquer à quoi l’on peut reconnaître la chose appelée de ce nom, puis en classer

  1. Ce caractère ressort des expressions mêmes employées par les économistes. Il est sans cesse question d’idées, de l’idée d’utile, de l’idée d’épargne, de placement, de dépense. (V. Gide, Principes d’économie politique, liv. III, ch. I, § 1 ; ch. II, § 1 ; ch. III, § 1.)