Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/74

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cation des choses, en réalité, très différentes. De là proviennent d’inextricables confusions. Ainsi, il existe deux sortes d’unions monogamiques : les unes le sont de fait, les autres de droit. Dans les premières, le mari n’a qu’une femme quoique, juridiquement, il puisse en avoir plusieurs ; dans les secondes, il lui est légalement interdit d’être polygame. La monogamie de fait se rencontre chez plusieurs espèces animales et dans certaines sociétés inférieures, non pas à l’état sporadique, mais avec la même généralité que si elle était imposée par la loi. Quand la peuplade est dispersée sur une vaste surface, la trame sociale est très lâche et, par suite, les individus vivent isolés les uns des autres. Dès lors, chaque homme cherche naturellement à se procurer une femme et une seule, parce que, dans cet état d’isolement, il lui est difficile d’en avoir plusieurs. La monogamie obligatoire, au contraire, ne s’observe que dans les sociétés les plus élevées. Ces deux espèces de sociétés conjugales ont donc une signification très différente, et pourtant le même mot sert à les désigner ; car on dit couramment de certains animaux qu’ils sont monogames, quoiqu’il n’y ait chez eux rien qui ressemble à une obligation juridique. Or M. Spencer, abordant l’étude du mariage, emploie le mot de monogamie, sans le définir, avec son sens usuel et équivoque. Il en résulte que l’évolution du mariage lui paraît présenter une incompréhensible anomalie, puisqu’il croit observer la forme supérieure de l’union sexuelle dès les premières phases du développement historique, alors qu’elle semble plutôt disparaître dans la période intermédiaire pour réapparaître ensuite. Il en conclut qu’il n’y a pas de rapport régulier entre le progrès social