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tiennent pour des élégances et qu’Horace appelait déjà des ornements ambitieux.

Citons un exemple entre cent, en comparant le final de la nouvelle Bled-el-Attar (la Cité des Parfums) dans le manuscrit d’Isabelle et dans la version revue par V. Barrucand.

Texte net
du Manuscrit d’Isabelle
Texte retouché
des
Notes de Route.
Dans la pénombre parfumée, dans le silence lourd du Souk-el-Attarine sur lequel la vieille Djemaa Zitouna voisine semble jeter la grande ombre auguste et songeuse de l’Islam, dans la petite alvéole auréolée de longs cierges multicolores, appuyé sur un coffret précieux incrusté de nacre, un vieillard caduc est assis, des journées et des mois durant, les traits émaciés et flétris par la douleur, les yeux usés et comme décolorés par les larmes. Dans l’ombre parfumée, dans le silence lourd du Souk-el-Attarine, sur lequel le Djemaa Zitouna proche jette la grande ombre triste de l’Islam, dans la petite alvéole d’une boutique auréolée de cierges multicolores et pleine d’aromates, un vieillard est assis, appuyé d’un bras faible sur le coffret de nacre qui semble plein de ses souvenirs. Des heures et des jours durant il reste là, plongé dans son rêve immobile, et il attend les traits émaciés et flétris par la douleur, les yeux usés et décolorés par les larmes.
Il reste là, immobile comme une statue tragique de la décrépitude et de la douleur, achevant lentement de mourir, les yeux obstinément tournés vers l’entrée des Souks comme s’il attendait toujours son fils unique, Chedli, qui ne reviendra jamais. Il reste là et il attend, témoin du temps, comme une statue dérisoire de lui-même. Il écoute en son cœur vide s’éteindre les derniers battements ; il songe à son fils qui ne reviendra pas et à ce peu de force en lui qui va mourir.