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goûter la vivifiante fraîcheur de la brise discrète qui feuilletait les palmes et les végétations aromatiques des jardins.

Sur son cheval qu’il aimait de sa tendresse apitoyée pour les animaux résignés et confiants, il s’en allait dans le désert, poussant parfois vers les oasis voisines, nombreuses dans la vallée, parées à cette heure première de lueurs d’or et de carmin.

Le grand espace libre le grisait, l’air vierge dilatait sa poitrine et une grande joie inconsciente rajeunissait son être, dissipant les longueurs de la nuit chaude, succédant à l’embrasement du jour.

Puis, il rentrait et errait dans les jardins, regardant les fellah bronzés remuer la boue rouge des cultures, enlever les dépôts salés obstruant les seguia.

C’était l’été, et les palmeraies lui apparaissaient dans toute leur splendeur. Sous le dôme puissant des palmes, les régimes de dattes pendaient, gonflés de sève, richement colorés selon les espèces… Les uns, verts encore avec une poussière argentée veloutant les fruits, les autres, jaune paille, jaune d’or, oranges, roses, rouge vif ou pourprés, en une gamme chaude de tons mats ou luisants.

En bas, les grenadiers jetaient la pourpre sanglante de leurs fleurs de charnelle beauté sous l’ombre des figuiers un peu dépaysés, redevenus buissons, et des pampres grêles, enchevêtrant les troncs élancés, les colonnades sveltes et fières du temple d’ombre verte.