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Longuement, Andreï se penchait sur le ruissellement de l’eau jaillissant des dessous mystérieux du fleuve invisible.

Puis, il rentrait dans la fraîcheur de sa chambre fruste et s’étendait sur son lit en roseaux, pour s’abandonner à la mortelle et ensorcelante langueur de la sieste.

Quand l’ombre des dattiers s’allongeait sur la terre excédée, Hadj Hafaïdh, le serviteur d’Andreï, le réveillait doucement, le conviant à la volupté du bain.

Parfois, repris de la nostalgie du travail, Andreï écrivait et de temps en temps, à de longs intervalles, il rappelait son souvenir aux chercheurs de littérature subtile par des contes du pays de rêve où il mettait un peu de son âme et de sa vie.

Sur la route de Touggourt, non loin des grands cimetières enclôturés, deux femmes vivaient, la vieille, Mahennia et sa fille Saadia, que son mari avait répudiée, parce qu’on disait dans le pays qu’elle et sa mère étaient sorcières.

Elles vivaient pauvrement du gain de la vieille, sage-femme et herboriste, rebouteuse habile.

On les respectait dans le pays et on les craignait, à cause des bruits qui avaient couru sur leurs sortilèges et de l’inexplicable mort du mari de Saadia peu après son divorce.

De race métis presque arabe, les deux femmes se souvenaient de leurs origines sémites et s’en faisaient gloire.