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chrétiennes et que l’Islam vint prendre toutes sauvages et fétichistes, pour sa grande floraison de foi et d’espérance.

Sur sa tête aux lourds cheveux laineux, très noirs, Yasmina portait un simple mouchoir rouge, roulé en forme de turban évasé et plat.

Tout en elle était empreint d’un charme presque mystique dont le lieutenant Jacques ne savait s’expliquer la nature.

Il resta longtemps là, assis sur la pierre que Yasmina avait quittée. Il songeait à la Bédouine et à sa race tout entière.

Cette Afrique où il était venu volontairement lui apparaissait encore comme un monde presque chimérique, inconnu profondément, et le peuple Arabe, par toutes les manifestations extérieures de son caractère, le plongeait en un constant étonnement. Ne fréquentant presque pas ses camarades du Cercle, il n’avait point encore appris à répéter les clichés ayant cours en Algérie et si nettement hostiles, a priori, à tout ce qui est Arabe et Musulman.

Il était encore sous le coup du grand enchantement, de la griserie intense de l’arrivée, et il s’y abandonnait voluptueusement.

Jacques, issu d’une famille noble des Ardennes, élevé dans l’austérité d’un collège religieux de province, avait gardé, à travers ses années de Saint-Cyrien, une âme de montagnard, encore relativement très fermée à cet « esprit moderne »,