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lui chanter, maladroitement encore, toute sa passion qu’il n’essayait même plus d’enchaîner.

— C’est impossible, disait-elle, avec, dans la voix, une tristesse déjà douloureuse. Toi, tu es un Roumi, un Kéfer*, et moi, je suis Musulmane. Tu sais, c’est haram* chez nous, qu’une Musulmane prenne un chrétien ou un juif. Et pourtant, tu es beau, tu es bon… Je t’aime…

Un jour, très naïvement, elle lui prit le bras et dit, avec un long regard tendre : — Fais-toi musulman… C’est bien facile ! Lève ta main droite, comme ça, et dis, avec moi : « La illaha illa Allah, Mohammed raçoul Allah » : Il n’est point d’autre divinité que Dieu, et Mohammed est l’envoyé de Dieu. »

Lentement, par simple jeu, pour lui faire plaisir, il répéta les paroles chantantes et solennelles qui, prononcées sincèrement, suffisent à lier irrévocablement à l’Islam… Mais Yasmina ne savait point que l’on peut dire de telles choses sans y croire, et elle pensait que l’énonciation seule de la profession de foi musulmane par son Roumi en ferait un croyant… Et Jacques, ignorant des idées frustes et primitives que se fait de l’Islam le peuple illettré, ne se rendait point compte de la portée de ce qu’il venait de faire.

    

Ce jour-là, au moment de la séparation, spontanément, avec un sourire heureux, Yasmina lui