Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toute la journée, seule désormais dans son oued sauvage, elle demeurait couchée à terre, immobile.

En elle, aucune révolte contre ce Mektoub auquel, dès sa plus tendre enfance, elle était habituée à attribuer tout ce qui lui arrivait, en bien comme en mal… Simplement, une douleur infinie, une souffrance continue, sans trêve ni repos, la souffrance cruelle et injuste des êtres inconscients, enfants ou animaux, qui n’ont même pas l’amère consolation de comprendre pourquoi et comment ils souffrent…

Comme tous les nomades, mélange confus où sang asiatique s’est perdu au milieu des tribus autochtones, Chaouïya, Berbères, etc., Yasmina n’avait de l’Islam qu’une idée très vague. Elle savait — sans toutefois se rendre compte de ce que cela signifiait — qu’il y a un Dieu, seul, unique, éternel, qui a tout créé et qui est Rab-el-Alémine — Souverain des Univers — que Mohammed est son Prophète et que le Coran est l’expression écrite de la religion. Elle savait aussi réciter les deux ou trois courtes sourates du Coran qu’aucun Musulman n’ignore.

Yasmina ne connaissait d’autres Français que ceux qui gardaient les ruines et travaillaient aux fouilles, et elle savait bien tout ce que sa tribu avait eu à en souffrir. De là, elle concluait que tous les Roumis étaient les ennemis irréconciliables des Arabes. Jacques avait fait tout son possible pour lui expliquer qu’il y a des Français qui ne