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Il balbutiait, honteux tout à coup de ce qu’il venait d’oser faire.

Yasmina, immobile, muette, le regarda pendant une minute, comme jadis, là-bas, dans l’oued desséché de Timgad, à l’heure déchirante des adieux. Puis, brusquement, elle le saisit au poignet, le tordant et dispersant dans la poussière les pièces jaunes.

— Chien ! lâche ! Kéfer !

Et Jacques, courbant la tête, s’en alla pour rejoindre le groupe qui attendait non loin de là, masqué par des masures…

Yasmina était alors retombée sur son banc, secouée par des sanglots convulsifs… Samra, la négresse, était accourue au bruit et avait soigneusement recueilli les pièces d’or de l’officier. Samra enlaça de ses bras noirs le cou de son amie.

— Smina, ma sœur, mon âme, ne pleure pas… Ils sont tous comme ça, les Roumis, les chiens fils de chiens… Mais avec l’argent qu’il t’a donné, nous achèterons des robes, des bijoux et des remèdes pour ta poitrine.

Seulement, il ne faut rien dire à Aly, qui nous prendrait l’argent.

Mais rien ne pouvait plus consoler Yasmina.

Elle avait cessé de pleurer et, sombre et muette, elle avait repris sa pose d’attente… Attente de qui, de quoi ?

Yasmina n’attendait plus que la mort, résignée déjà à son sort.