Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neuf… Avec une lucidité surprenante, malgré nos supercheries, elle se souvint des jours et des dates… Plus elle approchait de cette date fatale du quinze, et plus son agitation grandissait…

Tout à coup, elle se souleva, s’assit, étendant les bras devant elle… Ses yeux étaient grands ouverts, ses joues colorées, ses lèvres sèches tremblaient.

— Mais alors… alors… C’est le quinze, aujourd’hui… le jour des examens. Et c’est le soir… Et vous ne me l’avez pas dit… Méchants, oh méchants… Mais je vais leur dire… Je vais… Donnez-moi mes vêtements…

Elle rejeta les couvertures et voulut se lever. Mais elle retomba sur le lit, d’une pâleur livide, les yeux clos.

Un hoquet bref et fréquent la secoua tout entière.

— Elle meurt… dit Vlassof penché sur elle.

Puis, Chouchina se calma. Elle rouvrit les yeux… nous regarda et, pour la première fois depuis qu’elle était alitée, son regard fut, comme jadis, pleinement conscient et profond… d’une profondeur d’abîme.

Elle nous sourit, doucement, tristement.

— Voilà… c’est fini… Et moi qui aurais tant voulu vivre… travailler… C’est fini…

Après un long silence, elle ajouta, avec une ironie d’une amertume affreuse :

— Le doctorat est passé maintenant…

Puis, sa main blanche, allongée, sa petite main