Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/153

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me dit qu’il avait autrefois passé là de joyeuses années et y avait travaillé dans la tranquillité. Il faisait un peu frais dans cette chambre, nous allâmes chercher la chaleur en plein air. En nous promenant sous le soleil de midi dans l’allée principale, nous causâmes sur la littérature contemporaine, sur Schelling et sur Platen c4. Mais bientôt cependant notre attention se porta de nouveau sur la nature qui nous entourait. Déjà les couronnes impériales et les lis dressaient leurs tiges vigoureuses, et des deux côtés de l’allée on voyait paraître les feuilles vertes des mauves. La partie supérieure du jardin, sur la pente de la colline, est garnie de gazon et parsemée de quelques arbres fruitiers. Des chemins sinueux, tracés sur les flancs du coteau, s’élèvent vers son sommet et en redescendent en serpentant ; l’envie me prit de monter, Goethe passa devant moi et je suivis son pas rapide, en me réjouissant de sa verte vigueur. En haut, près de la haie, nous trouvâmes un paon femelle qui paraissait être venu du parc du château, et Goethe me dit que l’été il les attirait et les habituait avenir en leur donnant leurs graines favorites. En descendant le coteau par l’autre allée sinueuse, je trouvai, entourée d’un bosquet, une pierre sur laquelle étaient gravés les vers connus :

Ici, dans le silence, l’amant pensait à son amante[1]

Et je me sentis dans un lieu classique. Tout à côté était un groupe de chênes, de sapins, de bouleaux et de hêtres de demi-grandeur. En tournant autour de ces arbres, nous retrouvâmes la grande allée ; nous étions près de la maison. Le groupe d’arbres est d’un côté en demi-cercle,

  1. Voir parmi les Poésies écrites dans la forme antique le Rocher choisi.

Errata :

c4. texte corrigé, voir ERRATA, Ier volume