Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/202

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chose de Byron, c’est la plus haute louange qui puisse lui être accordée. Cependant il faut convenir que le poëte, qui domine toute son œuvre, a un grand avantage sur le lecteur pris dans le sujet. » Goethe en a convenu, puis il s’est mis à rire de lord Byron, qui ne s’est jamais accommodé de la vie, qui ne s’est jamais inquiété d’une seule loi, et qui à la fin va se soumettre à l’absurde loi des trois unités. « Et, ajouta-t-il, il a aussi peu compris que les autres la raison et le fond de la loi. La clarté en est le motif fondamental, et les trois unités ne sont bonnes qu’autant que, par elles, on atteint mieux ce but. Si elles sont un obstacle à la clarté, il est toujours inintelligent de les considérer comme une loi et de vouloir les suivre. Les Grecs eux-mêmes, desquels nous vient la règle, ne l’ont pas toujours suivie ; dans Phaeton d’Euripide, et dans d’autres pièces, le lieu change[1] ; on voit donc que la bonne exposition de leur sujet avait plus de valeur pour eux que le respect aveugle d’une loi qui en elle-même n’avait jamais eu grande importance. Les pièces de Shakspeare violent l’unité de temps et de lieu autant qu’il est possible, mais elles sont claires, rien n’est plus clair qu’elles, aussi les Grecs les auraient trouvées sans reproche. Les poètes français ont voulu suivre dans ses conséquences les plus rigoureuses la loi des trois unités, mais ils ont péché contre la clarté, en dénouant leurs poèmes dramatiques, non par l’action dramatique, mais par le récit. »

Je me rappelai d’un côté les Ennemis de Houwald, si obscurs par trop de fidélité à l’unité de lieu, et de l’autre Gœtz de Berlichingen, qui sort complètement de l’unité de temps et de lieu, et pourtant si clair. Il me

  1. On a vu plus haut que Goethe a essayé de restituer Phaeton.