Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/238

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gner de l’argent. Mais, pour parvenir à leur but principal, ils devaient travailler à tout maintenir excellent, et, aux œuvres anciennes applaudies, ajouter de temps en temps une œuvre nouvelle et solide capable de charmer et d’attirer. L’interdiction du Tartuffe a été pour Molière un coup de tonnerre, mais non pas tant pour le poëte que pour le directeur Molière, qui avait à veiller à la prospérité d’une troupe considérable et qui devait aviser à se procurer du pain pour lui et pour les siens. Rien n’est plus dangereux pour la prospérité d’un théâtre que de ne pas intéresser personnellement la direction aux recettes, et de la laisser vivre dans cette certitude insouciante que le déficit de la fin de l’année sera couvert par des ressources étrangères. Il est dans la nature de l’homme de laisser tomber son activité dès que son intérêt personnel ne la rend plus nécessaire. Il ne faut pas cependant demander que le théâtre d’une ville comme Weimar se soutienne par lui-même, et qu’aucune subvention annuelle du trésor du prince ne lui soit nécessaire. Mais tout a ses limites, et quelques milliers de thalers par an de plus ou de moins ne sont pas du tout quelque chose d’indifférent, surtout quand on voit que la diminution des recettes suit la décadence du théâtre, et qu’ainsi on perd et l’argent et l’honneur. À la place du grand-duc, lorsque la direction changera, je fixerais pour subvention une somme annuelle fixe ; je prendrais pour cela la moyenne des subventions des dix dernières années, et je fixerais, sur cette proportion, la somme estimée suffisante pour un entretien convenable. Il faudrait se contenter de cette somme. J’irais plus loin, et je dirais : Si le directeur et les régisseurs, par leur sage et énergique direction, ont amené dans la caisse, à