Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/307

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et j’ai maintenant l’espérance que vous l’achèverez. »

— « En trois mois ce serait fait, dit-il, mais comment trouver du repos ! Chaque jour exige beaucoup trop de moi ; il m’est difficile de vivre à part et de m’isoler ; ce matin le grand duc héréditaire est venu ; demain à midi vient la grande duchesse. Je considère de pareilles visites comme une haute faveur qui embellissent ma vie, mais cependant elles occupent trop mon âme ; il faut que je pense à ce que je pourrai lire de nouveau à ces hauts personnages, et au sujet de conversations digne d’eux que je pourrai avoir. »

« Mais, dis-je, vous avez bien l’hiver précédent achevé Hélène, et vous n’étiez pas moins dérangé qu’à présent. » — « C’est certain, dit Goethe ; aussi cela marche, et il faut que cela marche, mais c’est difficile. » — « C’est toujours un avantage que vous ayez un plan si détaillé. » — « Le plan est bien là, mais le plus difficile est encore à faire, et dans l’exécution tout dépend énormément de la fortune. La Nuit classique de Walpurgis doit être écrite en rimes, et tout doit porter un caractère antique. Trouver une pareille espèce de vers n’est pas facile ; et puis le dialogue ! » — « N’est-il pas déjà compris dans le plan ? » — « Les idées sont indiquées, oui, mais il reste à trouver l’expression pour les bien rendre ; et puis pensez à tout ce que l’on dit dans cette folle nuit. Quel discours doit être celui de Faust à Proserpine, pour la déterminer à renvoyer Hélène ! Il faut que Proserpine elle-même en soit touchée aux larmes ! Tout cela n’est pas facile, dépend beaucoup de la fortune, et presque absolument de la disposition et de la puissance du moment. »