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mann, et à se laisser conduire par lui, jour par jour, dans la familiarité de l’homme. Ce livre est la meilleure biographie de Goethe à notre usage : celle de l’Anglais Lewes pour les faits, celle d’Eckermann pour le portrait du dedans et la physionomie. L’âme elle-même du personnage y respire. Le livre est à la fois écrit comme un journal, au fur et à mesure, et insensiblement composé ; on sent, au milieu des hasards de la route, qu’on y avance par degrés ; on s’y élève. Les dernières pages dans lesquelles on voit Eckermann visitant pour une dernière fois, sur son lit mortuaire, la forme expirée, mais encore belle, de celui qu’il a tant aimé et vénéré, font une conclusion digne et grandiose. Eckermann, homme d’un talent personnel, qui seul et de lui-même n’aurait pu atteindre bien haut, s’est choisi la bonne part. Il a indissolublement enchaîné son nom à celui d’un immortel : il ne peut désormais mourir. Il est à Goethe ce qu’Élisée est à Élie.

Ces Entretiens, tels que M. Délerot nous les rend aujourd’hui, sont aussi complets, et même plus complets, s’il se peut, que ce qui a été donné en Allemagne ; ils sont surtout plus faciles et plus agréables à lire. D’abord, M. Délerot a fondu en un seul et rangé selon l’ordre des dates les deux journaux successivement publiés par Eckermann, qui n’avait d’abord risqué qu’un essai. Il a, de plus, éclairci quantité de passages par des notes et des rapprochements ; tout ce qui concerne la France en particulier et nos au-