Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/381

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« — Je désignerais ainsi cette période de la croissance pendant laquelle le caractère qui est spécial à telle ou telle créature apparaît empreint en elle dans sa perfection. »

« — Prise dans ce sens, l’expression est juste, surtout si on ajoute encore qu’il faut, outre cette empreinte parfaite du caractère, que la construction des divers membres de cette créature soit en harmonie avec sa destination naturelle, et par conséquent puisse atteindre son but. Par exemple une jeune fille nubile, que la nature destine à donner naissance à des enfants qu’elle doit ensuite allaiter, ne sera pas belle, si elle n’a pas comme il le faut le bassin large, le sein abondant. L’excès serait également un manque de beauté, puisque l’excès ne serait plus utile à la fin marquée. — Pourquoi quelques-uns de ces chevaux de main que nous venons de rencontrer peuvent-ils être dits beaux, sinon parce que tout dans leur organisation sert parfaitement à une fin légitime. Nous avons admiré l’élégance, la légèreté gracieuse de leurs mouvements, mais il y avait en eux encore autre chose que pourrait nous expliquer un bon cavalier ou un connaisseur en chevaux ; nous autres, nous ne recevons que l’impression générale. »

« — Ne pourrait-on pas appeler beau un cheval de charrette, comme ceux que nous avons rencontrés traînant les marchandises des Brabançons ? »

« — Certainement ! et pourquoi pas ? Un peintre, dans le caractère si fortement marqué, dans l’expression si vigoureuse des os, des tendons et des muscles d’un pareil animal, trouverait sans doute un jeu bien plus varié de beautés diverses que dans le caractère plus doux et plus égal d’un élégant cheval de selle. — Le principal,