Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/407

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Nous parlons des Deux Foscari, et je dis que Byron traçait d’excellents portraits de femme.

« Oui, ses femmes sont bonnes, dit Goethe ; et aussi c’est la seule forme qui nous soit restée, à nous autres modernes, pour verser notre idéalisme. — Quant aux hommes, il n’y a rien à faire. Avec son Achille et son Ulysse, la Bravoure et la Sagesse, Homère nous a tout pris. »

« — Mais, dis-je, ces tortures continuelles que l’on trouve dans les Foscari ont quelque chose de pénible ; on conçoit à peine comment Byron a pu vivre dans ce sujet assez longtemps pour achever la pièce. »

« — C’était là le vrai élément de Byron, éternel tourmenteur de lui-même ; aussi de pareils sujets étaient ses thèmes favoris ; voyez toutes ses œuvres, il n’y a pas un seul sujet gai. — Mais, n’est-ce pas, dans les Foscari aussi, les descriptions sont belles ? »

« — Elles sont excellentes ; chaque mot est énergique, significatif, et conduit au but. Jusqu’à présent, d’ailleurs, je n’ai pas trouvé un seul vers terne dans Byron. Je crois toujours le voir sortant des vagues de la mer, tout pénétré encore des forces primitives de la création. » — « Oui, c’est tout à fait cela, dit Goethe. » — « Plus je le lis, plus je l’admire ; vous avez eu bien raison de lui élever, dans Hélène, l’éternel monument de l’amitié. »

« — Comme représentant du temps poétique actuel, je ne pouvais employer que lui ; il est sans contestation le plus grand talent du siècle. Et puis, Byron n’est ni antique ni romantique, il est comme le jour présent lui-même. Il me fallait ce caractère. Il me convenait aussi à cause de sa nature mécontente et de ses instincts guerriers, qui l’ont fait périr à Missolonghi. Écrire un pa-