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l’Ettersherg[1] les lueurs d’une claire nuit d’été. Je m’aperçus qu’il était dix heures ; je me retirai, emportait avec joie ces remarquables paroles.

Lundi soir, 9 juillet 1827.

Je trouvai Gœthe seul ; il examinait une collection d’empreintes des médailles du cabinet Stosch[2]. « On a été à Berlin assez bon pour m’envoyer toute la collection, afin que je puisse la voir ; je connaissais déjà une partie de ces belles choses, mais je les trouve ici rangées par Winckelmann dans un ordre instructif. Je me sers de sa description, et, dans mes doutes, je le consulte. »

Le chancelier entra, et nous raconta les nouvelles des journaux ; il nous parla, entre autres choses, d’un gardien de ménagerie qui avait tué un lion pour manger de sa chair. « Je m’étonne qu’il n’ait pas plutôt pris un singe, dit Goethe, cela doit faire un morceau très-friand. » — Nous parlâmes de la laideur de ces bêtes, d’autant plus désagréables qu’elles ressemblent davantage à l’homme. « Je ne conçois pas, dit le chancelier, comment les princes souffrent près d’eux de pareilles bêtes, et même peut-être trouvent en elles du plaisir. » — « Les princes, dit Goethe, sont tellement tourmentés par des hommes désagréables qu’ils cherchent à combattre les ennuyeuses impressions qu’ils en gardent à l’aide d’animaux plus désagréables encore. — Quant à cette répugnance que nous ressentons justement pour les singes ou pour les cris des perroquets, elle a sa cause dans le déplacement

  1. Haute colline qui domine Weimar.
  2. Voir l’article de Goethe dans ses fragments sur l’art et l’ouvrage de Winkelmann, intitulé : Description des pierres gravées du feu baron de Slosch. Florence, 1749.