Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



parla de voyages, de villes de bains, et madame Schopenhauer nous intéressa en nous entretenant de l’arrangement de sa nouvelle propriété sur le Rhin, près de l’île de Nonnenwerth. Au dessert le comte Reinhard revint et fut loué de sa promptitude, car pendant sa courte absence il avait dîné à la cour et s’était deux fois déshabillé. Il nous apporta la nouvelle que le nouveau pape était élu, et que c’était un Castiglione. — Goethe raconta à la compagnie les formalités que l’on observe traditionnellement pour cette élection.

Le comte Reinhard, qui avait passé l’hiver à Paris, nous donna les renseignements que nous souhaitions sur les hommes d’État, les littérateurs et les poètes célèbres. On parla de Chateaubriand, de Guizot, de Salvandy, de Béranger, de Mérimée[1], etc. Après dîner, quand tout le

  1. Dans une lettre que Goethe adressait quelques mois plus tard (18 juin 1829) au comte Reinhard, ambassadeur à Francfort, nous lisons ce passage :

    « Depuis quelque temps je suis plongé presque exclusivement dans la lecture de livres français ; je viens de recevoir les huit volumes de la Revue française ; les articles qu’ils renferment sont si variés et si importants que ce n’est pas un petit travail de les lire tous depuis le commencement. Les ouvrages qui paraissent ne sont pour les rédacteurs qu’un texte et une occasion d’exposer leurs opinions et leurs manières de voir, qui sont sincères et bien fondées. Reconnaître tous les mérites sied à l’homme libéral ; il doit, comme il le fait dans cette Revue, nous prouver qu’il sait d’un libre regard envisager les intérêts les plus divers, et qu’il ne se place à un point de vue élevé que pour être impartial.

    « Il est vraiment merveilleux de voir quel essor le Français a pris depuis qu’il n’est plus enfermé dans des idées étroites et exclusives. Il connaît ses Allemands, ses Anglais, mieux que ces peuples ne se connaissent eux-mêmes. Avec quelle précision il dépeint l’Anglais comme l’homme du monde plein d’égoïsme, et l’Allemand comme un simple particulier plein de bonhomie !… J’aime et j’apprécie aussi beaucoup le Globe, quoique sa tendance politique toute spéciale nous gêne parfois un peu. Mais il n’est pas nécessaire d’être tout à fait d’accord avec les hommes supérieurs pour qu’ils nous inspirent sympathie et admiration…