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maux avant de prétendre nous donner la masse des biens. »

« Les deux buts me paraissent n’en faire qu’un, répondis-je. De mauvaises routes, par exemple, me semblent un grand mal. Si un prince construit dans son État, jusque dans le dernier village, de bonnes routes, il a pour son peuple fait disparaître un grand mal et en même temps il a apporté un grand bien. Si un prince en organisant une procédure orale et publique a assuré une justice rapide, non-seulement il a enlevé un grand mal, mais il a introduit un grand bien »

« Je vous chanterais aussi bien des chansons sur cet air, dit Goethe en m’interrompant. Mais laissons encore quelques maux sans les signaler, pour que l’humanité ait dans l’avenir de quoi exercer ses forces. Provisoirement ma grande maxime est celle-ci : « Que le père de famille s’occupe de sa maison, l’artisan de ses pratiques, le prêtre de l’amour du prochain, et que la police ne gêne pas nos plaisirs ! »


Le fils de Goethe mourut subitement à Rome, le 28 octobre. Eckermann, pris du mal du pays, l’avait quitté à Gênes pour revenir à Weimar ; il apprit cette mort en route. Profondément inquiet de l’effet qu’elle produirait sur Goethe, il osait à peine à son retour se présenter devant lui. « Il m’a vu partir avec son fils, se disait-il, il va me voir revenir seul ! Il lui semblera qu’il le perd pour la première fois au moment où il m’apercevra ! » Eckermann se trompait, et il allait avoir un nouvel exemple de la puissance que Goethe exerçait sur lui-même, au moins extérieurement.


Mardi, 23 novembre 1830.

À peine avais-je salué mes hôtes que je me rendis