Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Toutes les monades sont par leur nature tellement indestructibles, que même au moment de la dissolution, leur activité n’est ni suspendue, ni perdue ; à ce moment-là même elle se continue. Les anciens rapports au milieu desquels elles vivaient disparaissent, mais sur-le-champ elles entrent dans de nouveaux. Dans cet échange, tout est réglé d’après la puissance intime que possède telle ou telle monade. Entre la monade, âme d’homme cultivé, et la monade d’un castor, d’un oiseau, d’un poisson, il y a évidemment une énorme différence de destinée. Nous voilà donc revenus à la hiérarchie des âmes, que nous sommes forcés d’accepter, dès que nous cherchons à nous expliquer tant soit peu les phénomènes de la nature. Swedenborg a abordé ce problème et, pour exposer ses idées, il s’est servi de l’image la plus frappante. Il compare le séjour où se trouvent les âmes à un espace divisé en trois compartiments ; le compartiment du milieu est le plus grand. Supposons maintenant que, de ces divers compartiments, différentes créatures, telles que des poissons, des oiseaux, des chiens, des chats, se réunissent dans le compartiment le plus grand ; cette réunion là formera à coup sûr une société singulièrement mêlée ! Mais qu’en résultera-t-il ? Le plaisir d’être tous ensemble ne durera pas longtemps ; les extrêmes différences d’inclinations feront naître bientôt une guerre non moins extrême, et, chaque être finira par se rapprocher de son semblable ; le poisson ira avec les poissons, l’oiseau avec les oiseaux, le chien avec les chiens, le chat avec les chats, et chacune de ces races cherchera en même temps un logement séparé. — Nous avons là l’histoire exacte de nos monades après la cessation de leur vie terrestre. Chaque monade va rejoindre les monades de son