Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/361

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planètes cet entretien ne se fasse d’une manière bien plus haute, bien plus profonde, bien plus raisonnable. Il nous manque aujourd’hui, à nous, mille connaissances. La première qui nous manque, c’est la connaissance de nous-mêmes ; toutes les autres ne viennent qu’après celle-là. À parler rigoureusement, je ne peux rien savoir sur Dieu au delà des conclusions que me permettent de tirer les phénomènes sensibles dans le cercle assez étroit desquels je suis enfermé sur cette planète. — Mais cela ne veut pas dire du tout que, par cette limite imposée à notre observation de la nature, une limite soit imposée à notre foi. Au contraire, en pensant à ces sentiments divins qui s’imposent à nous d’une façon immédiate, il est naturel d’admettre que la science ne peut exister que comme un fragment informe dans une planète comme la nôtre, arrachée violemment aux liens qui la réunissaient au soleil ; toute observation y reste forcément imparfaite, et justement pour cette raison, la foi vient la compléter, et combler ses lacunes. Déjà, à l’occasion de ma théorie des couleurs, j’ai remarqué qu’il y a des phénomènes primitifs dont il est inutile de vouloir par des recherches troubler et déranger la divine simplicité ; on doit les abandonner à la raison pure et à la foi. — Faisons d’ardents efforts pour pénétrer par les deux côtés ; mais en même temps conservons sévèrement au milieu d’eux la ligne de démarcation ! Ne cherchons pas les preuves de ce qui n’est pas susceptible d’être prouvé, car autrement nous laisserons dans notre construction, prétendue scientifique, des témoignages de notre insuffisance que la postérité découvrira tôt ou tard. Où la science suffit, la foi nous est inutile, mais où la science perd sa force et paraît insuffisante, il ne faut pas contester ses droits à la foi. — Dès que l’on part du principe que la