Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/42

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roman a été publié jadis en un volume, mais Goethe a commencé à le retoucher partout, et a mêlé tant de nouveau à l’ancien, que l’ouvrage, dans la nouvelle édition, formera trois volumes. Il en a achevé une grande partie, mais une grande partie reste encore à finir. Le manuscrit est tout plein de pages blanches qui ne se remplissent pas. Ici il faut ajouter quelque chose dans l’exposition ; là c’est une transition habile qu’il faut trouver pour que le lecteur sente moins que l’ouvrage est fait de morceaux réunis ; là sont des fragments de grande importance, auxquels manque tantôt le commencement, tantôt la fin ; il y a donc encore beaucoup à faire dans les trois volumes pour que ce grand ouvrage soit agréable et attachant. — Le printemps dernier, Goethe m’a donné le manuscrit à examiner ; nous avons alors, verbalement et par écrit, discuté beaucoup ce sujet important ; je lui conseillai de consacrer l’été tout entier à finir cette œuvre et de laisser pendant ce temps tous ses autres ouvrages ; il était convaincu que c’était là une résolution nécessaire, et il voulait en effet agir ainsi. — Mais le grand-duc était mort alors, et cette mort avait creusé dans l’existence de Goethe un tel vide, qu’il ne fallait plus espérer avoir l’enjouement et les dispositions d’esprit paisibles, nécessaires pour cette composition. Il n’avait alors à penser qu’à une chose : comment il se maintiendrait au-dessus de ce coup, et comment il arriverait à reprendre son équilibre.

Aujourd’hui, revenant de Dornbourg, et entrant au commencement de l’automne dans son habitation de Weimar, il dut se rappeler aussitôt l’achèvement de ses Années de voyage, et son esprit dut se représenter vivement le peu de temps qui lui restait et les dérangements