Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/506

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nauté des recherches, ont été, au contraire, amenés, par une simple différence sur la manière d’étudier, à une discussion hostile. Que cet incident curieux nous serve à tous, et qu’il serve à la science ! Que chacun de nous, maintenant, se dise que distinguer et enchaîner sont deux actes de la vie inséparables ; — en d’autres termes, qu’il est de toute nécessité, bon gré mal gré, d’aller tour à tour du général au particulier et du particulier au général ; plus ces fonctions vitales de l’esprit s’accomplissent régulièrement, comme l’aspiration et la respiration, plus la science et les amis de la science doivent être heureux.

Laissons maintenant ce point, et parlons des hommes qui, de 1770 à 1790, m’ont fait avancer sur la route où je m’étais engagé.

Pierre Camper avait un talent tout à fait remarquable pour observer et lier entre elles ses observations. Dessinateur très-habile, il savait reproduire heureusement ce qu’il avait examiné avec attention ; et cette image, en pénétrant dans son esprit subtil et toujours en mouvement, devenait vivante. — Ses travaux sont connus de tous. Je rappellerai seulement son angle facial, qui a rendu sensible et facile à constater l’avancement de la partie frontale en montrant à quel degré l’organe de la pensée l’emporte sur les parties de l’organisation purement animales. Geoffroy lui a rendu un magnifique témoignage (page 149, note) : « Esprit vaste, aussi cultivé que réfléchi, il avait sur les analogies des systèmes organiques un sentiment si vif et si profond qu’il recherchait avec prédilection tous les cas extraordinaires, où il ne voyait qu’un sujet de problèmes, qu’une occasion d’exercer sa sagacité, employée à ramener de prétendues anomalies à la règle. » — Que de choses on pourrait encore dire si l’on ne voulait avant tout se borner à de rapides indications !

C’est en suivant cette voie scientifique, nous pouvons ici le faire remarquer, que le naturaliste apprend le mieux à reconnaître la valeur et la dignité de la loi et de la règle. Si nous ne voyons jamais que des créatures normales, nous pensons que leur forme actuelle est nécessaire, que ce qui existe a toujours existé et est resté stationnaire. Mais si nous voyons, au contraire, des déviations, des difformités, des monstruosités, nous reconnaissons que, si la règle est solidement établie, éternelle, c’est en même temps une règle vivante ; que les êtres, sans la franchir, peuvent prendre des formes irrégulières, et que, même alors, retenus comme par