Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/38

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payé sa dette, trois ans plus tard à peu près, en me sauvant du gourdin d’un voleur de rue.

Je pris alors la montre et m’aperçus, en l’appliquant à mon oreille, qu’elle s’était arrêtée de nouveau ; mais je n’en fus nullement étonné, étant convaincu, d’après l’état particulier de mes sens, que j’avais dormi, comme cela m’était déjà arrivé, pendant une très-longue période de temps. Combien de temps ? c’est ce qu’il m’était impossible de dire. J’étais consumé par la fièvre, et ma soif était presque intolérable. Je cherchai à tâtons à travers ma caisse le peu qui devait me rester de ma provision d’eau ; car je n’avais pas de lumière, la bougie ayant brûlé jusqu’au ras du chandelier de la lanterne, et je ne pouvais pas mettre pour le moment la main sur le briquet. Enfin, trouvant la cruche, je m’aperçus qu’elle était vide ; — Tigre, sans nul doute, n’avait pas résisté au désir de boire, aussi bien que de dévorer tout le restant du mouton dont l’os se promenait, admirablement nettoyé, à l’entrée de ma caisse. Je pouvais faire bon marché de la viande gâtée, mais je sentais le cœur me manquer, rien qu’à l’idée de l’eau. J’étais excessivement faible, si bien qu’au moindre mouvement, au plus léger effort, je tremblais de tout mon corps, comme dans un violent accès de fièvre. Pour ajouter à mes embarras, le brick tanguait et roulait avec une grande violence, et les barriques d’huile placées au-dessus de ma caisse menaçaient à chaque instant de dégringoler, et de boucher ainsi l’unique issue de ma cachette. J’éprouvais aussi d’horribles souffrances par suite du mal de mer. Toutes ces considérations me déterminèrent