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état nerveux sous une gaîté affectée, riant aux plaisanteries et aux mots grossiers de ses convives.

Les trois hommes, au fur et à mesure qu’approchait la fin du repas, devenaient plus loquaces, plus émoustillés. Chacun se voyait déjà l’amant de cette femme qu’ils trouvaient superbe, et ils mordaient dans la chair des fruits qui leur étaient servis comme s’ils avaient posé leur bouche sur la peau fraîche et satinée qu’ils convoitaient de la fille étrange avec laquelle ils se trouvaient.

Laure commençait elle aussi à être troublée, en proie à un malaise bizarre, inconnu d’elle, au milieu de ces mâles en rut, dont elle sentait les désirs monter vers elle.

Déjà elle se demandait : « Lequel vais-je choisir ? »

Le champagne remplissait les coupes. Noël, qui le versait, se leva.

— Puisque, dit-il, mademoiselle m’a désigné comme arbitre, je propose que celui qui doit rester avec elle soit tiré au sort.

Laure sourit :

— Ce ne sera que plus original, fit-elle, et j’accepte volontiers de me soumettre au décret du hasard. Cela me sortira d’un grand embarras.

— Comment va-t-on procéder ?

— C’est bien simple ! dit Noël. Écrivez vos noms sur des billets tandis que je me retire, vous mettrez les trois billets dans une assiette, sous une serviette et je tirerai quand vous m’appellerez. Je reste derrière la porte.

Il sortit en effet.

En riant, les convives inscrivirent leurs noms — ou du moins leurs prénoms — sur des morceaux déchirés du menu, et cinq minutes plus tard, ils rappelaient Noël.

Laure considérait les trois hommes avec une apparente indifférence.

Cependant, elle cherchait quand même à saisir lequel serait le gagnant de cette extraordinaire loterie, Elle ne savait pourquoi, mais maintenant, tous trois lui déplaisaient : celui qui portait monocle lui paraissait trop fat ; son ami, chauve et grisonnant, ridicule, et le troisième vulgaire. Mais elle était résolue à ne pas se dédire et elle pensait : « L’un des trois va être mon amant. Et il ne se doute pas qu’il va posséder une vierge ! »

Certes non, ils ne s’en doutaient pas ni l’un ni l’autre,

L’aventure leur paraissait déjà suffisamment singulière.