Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/110

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M. l’échevin s’amusait aux dépens d’une innocente. D’ailleurs, son Flup ne lui permettrait jamais cette énormité.

Le barbon ne la lâchait pas.

— C’est cent francs que vous toucherez pour chaque sortie de la cavalcade. Je vous laisse jusqu’à demain, avant midi, pour vous décider…

— Vous connaissez ma décision dès à présent, mynheer !

— Voyez-vous l’entêtée. On ne rencontre pas tous les jours pareille aubaine, surtout à trier le café et à vider la cale des bateaux.

— Je ne veux pas de vos trésors au prix d’une querelle avec mon promis.

— Vous changerez d’avis, la brunette !

— Oh que non !… Merci de vos offres aimables et bien le bonjour.

— À demain, la belle !

— Adieu, monsieur !

Le surlendemain, le brouillard suspendu tous les matins comme un vélum de crêpe au-dessus de l’Escaut se dissipait emporté vers la mer, ce que les riverains tiennent pour un présage de beau temps. Lentement, un radieux soleil monta dans le ciel de lazulite. Dès l’aube, le bourdon de Notre-Dame s’ébranlait à pleine volée dans sa cage de pierre et sur cette basse continue, le carillon égrenait sa tintinabulante symphonie. La ville entière, peinte et lavée à neuf depuis des semaines, rompait, par une profusion de drapeaux tricolores, la monotonie de ses blanches façades. Les bâtiments en