Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/111

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rade et dans les docks arboraient des pavillons bariolés. Dans les artères des mâts plantés de distance en distance, portaient, à mi-hauteur, des bannettes dorées garnies de fleurs et à leur sommet plaquaient des étendards. Jusque dans les ruelles espagnoles, des cordes jetées d’un mur à l’autre par les lucarnes des galetas soutenaient des enfilées de guidons et de banderoles, des chapelets de lanternes vénitiennes, des transparents cl des anagrammes. Six arcs de triomphe achevés pendant la nuit se dressaient à l’entrée des principales places.

Au jour levant, des flâneurs, par bandes, battirent les rues. On voyait des arrimeurs endimanchés, rasés de frais et mal débarbouillés des crasses de la semaine ; des manœuvres en blouse courte, veules, se déhanchant, la casquette renversée sur l’oreille ; des bateliers trapus, en bouffantes culottes boucanées, glabres, rugueux, corrodés par les brises salines ; des matelots de toutes nations, à la marche dandinante, la plupart en vareuses à cols retombants et lâches.

Puis, arrivaient de pied, à cheval, en carrioles, par les bateaux, par les diligences, par les convois, les hordes prolifiques de ruraux. Leurs tapées encombraient jusqu’aux voies les moins passantes. Il s’en engouffrait des tribus entières dans les estaminets et lorsqu’ils décampaient pour renouveler leurs libations plus loin, d’autres buveurs débordaient et les remplaçaient.

De groupe à groupe se produisaient de courtes et familières reconnaissances, un échange d’interpellations brutalement cordiales, de taloches fraternelles ; et des