Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/114

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— Mais, piote, camarade, j’ai affaire à trois heures à Saint-Job ! observa le gars.

— Tant pis, vous doublerez le pas tout à l’heure ! fit le caporal. En arrière, dis-je, et pas de réplique…

Flup Borlander obéit non sans bougonner et resta planté, au premier rang, derrière les soldats, de façon à prendre la meilleure part du spectacle qu’on lui imposait.

Rosa, la bien-aimée, l’attendait au bout de la chaussée de Merxem, près des fortifications. La veille, elle avait proposé au débardeur de fuir la bousculade et le tumulte des kermesses et de s’exiler ensemble, loin de la ville suffocante, sous les ormaies feuillues, parmi les buissons odorants. Aucun projet de réjouissance ne promettait davantage à l’énamouré que cet isolement à deux. Aussi maudissait-il la foisonnante multitude qui l’enfermait et surtout ces militaires esclaves de la consigne et aigris par la corvée.

Cependant, faisant le compte des minutes qui le séparaient encore de l’heure fixée, il se défronça et se mit à béer, comme tout ce populaire, au légendaire Ommegang.

salua d’un juron de bonne humeur la Baleine aussi haute qu’une maison et rit de son rire énorme et contagieux lorsque le petit populo attaché sur le dos du cétacé en carton-pierre, dirigea malignement ses jets d’eau dans toutes les directions, sur les bonnets à fanfreluches des paysannes, sur les tuyaux de poêle des urbains, et, par les croisées ouvertes, encadrant de blondes théories d’héritières bien qualifiées, jusqu’au fond des enfilades somptueuses.