Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/115

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Leurs petites mains gantées rapprochaient trop tard les battants des hautes portes-fenêtres et ruisselantes, elles riaient de leur maladresse en privilégiées que le naufrage d’une toilette n’inquiète pas.

L’espiègle aspergeait déjà leurs voisines. Jamais pompier ou fontainier ne manœuvra avec autant de diligence et de précision que ce grimelin. Il faisait pleuvoir sans répit le contenu de l’inépuisable réservoir dissimulé sous la carapace du monstre. Ah ! les imprudents s’étaient plaint de la chaleur ! Voici qui les rafraîchissait ! Tant pis pour les grincheux ; plus ils rageaient, plus il les sauçait ; plus la foule se trémoussait. Il fallait passer par ce que voulait le lutin. La douche vous poursuivait aussi loin que vous couriez, s’acharnant après les fuyards empêtrés, dardée même avec une adresse désespérante sur la partie la plus glorieuse de leur harnachement. Et c’était sous l’ondée une bousculade fantastique, une gaîté délirante ! Et Flup, le franc signor rigolait, au point d’oublier sa Rosa, sa troublante accordée.

Lorsque parut le géant Druon Antigon, il éprouva une joie nouvelle :

— Salut au grand seigneur, au plus vénérable bourgeois d’Anvers ! Bonjour, l’Ancien ! Vive l’ancêtre !… Le colosse s’avançait lentement, traîné par huit forts chevaux des nations, vêtu comme un consul de Rome, basané, barbu, le poil noir, tournant la tête de droite et de gauche, promenant des regards d’ogre coupeur de mains sur ce fourmillement de nains sans rancune qui le poursuivait de ses hourrahs ! Ses épaules dépassaient