Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/122

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chevaux, appela une dernière fois Rosa, envoya de la main un baiser à la Pucelle. Elle regarda.

— Au large ! sacra le cocher raccourcissant les rênes pour ne pas écraser ce diable d’entêté.

À la même seconde, Flup, écartant sa veste, se frappa trois fois, coup sur coup, dans la région du cœur, d’un de ces couteaux lierrois que les ouvriers portent toujours sur eux. Elle regardait encore.

Il s’abattait sous les pieds des chevaux, pantelait, ses mains accrochées aux caparaçons, mais les roues passèrent et avec un long craquement séparèrent des choses informes et visqueuses.

Les bêtes cabrées entraînaient rapidement le char vers le Palais. Défaillante, les paupières rabattues par l’horreur, le cri étranglé dans sa gorge, la Pucelle serait tombée si des liens ne l’avaient retenue par la ceinture au socle de l’autel.

Sans cesse l’immense foule, ignorante du drame, saluait de frénétiques hourrahs la Déesse ballotant aux soubresauts de son Olympe fallacieux. Et les courtisans chamarrés, occupant les fenêtres du Palais, crurent à l’entrevoir si pâle et si rigide, que l’orgueilleuse métropole désespérant de se symboliser dans une vivante assez parfaite l’avait remplacée par une blanche et irréprochable statue de marbre.