Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/161

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— En es-tu certain ?

Elle rit, très amusée de son air interloqué, moitié fâché, moitié bonasse.

— Mon baes, si soigneux, n’a-t-il jamais rien égaré dans sa vie ? insista-t-elle.

— Trêve de divagations ! Allons danser plutôt !… répond Kors, momentanément allégé en prêtant l’oreille aux stridentes fanfares scandées par les lourdes retombées de pieds.

Houpsa ! Lourelourela ! Argenteux et besoigneux s’accouplent dans les bruyantes sabotières et les groupes se détachent comme de noirs diablotins sur l’écran rouge des vitres du Cygne d’Or.

— Un mot encore…, dit-elle en le retenant par la blouse, ne gardes-tu point le souvenir d’un objet mignon, distrait pendant une nuit de voyage ?

— Assez d’énigmes, ma grosse…, détalons ; j’ai du vif-argent dans les jarrets…

— Allons, puisqu’il faut te rafraîchir la mémoire ? Regarde…

Elle a tiré de sa poche le canif de Begga Leuven.

Il se retourne, tend la main. À peine s’est-il emparé du couteau, qu’il se souvient de la nuit féée… Il revoit la hideuse vieille qui le chasse devant elle à coups d’escourgée ; il traverse les brandes et les marais, son sabre s’accroche aux fourrés ; il galope sans trêve, étrillé, poussif… Mais il en sait plus long que le matin où il conta son cauchemar au loyal Warner Cats, cet ami de cœur qui s’est séparé de lui à cause de son absurde mariage… Il la reconnaît, cette maudite mansarde, où