Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/167

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lant, les mains en poche le long des quais, narguant les bons bouleux pliés sous le faix, ou appuyés contre les garde-fou des ponts-tournants, crachant dans le bac du passeur et bayant à la manœuvre des allèges. J’assistai à d’édifiantes contestations entre ces crânes, souvent des gamins dont les têtes imberbes sont déjà flétries, dont la bouche veule et détendue expectore le juron haut en couleur comme leurs trognes, la plaisanterie grasse comme leurs coiffes.

Mais le pacant, l’homme de la glèbe, membru, bien facé, carré d’épaules, largement croupé ; le savoureux pitaud fait de violents contrastes : farouche et brutal, placide et féroce, lascif et sentimental, cynique et dévot, eut plus que ses congénères urbains le don de me séduire. Ainsi mon regretté séjour à la campagne fut marqué par maint compagnonnage spontané. Grâce à cette fraternisation complaisante, je connus l’héroïque pendard dont s’agit.