Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/171

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de profonds yeux bleus, et ressemblait à Jo par les traits.

Les jours ouvrables le gaillard reconquis au métier paternel, abattait la besogne avec une vivacité merveilleuse. Sifflotant entre ses dents, comme jadis au pansage, les sonneries du régiment, il se servait aussi rudement du rabot que de l’étrille ; semblait bouchonner son établi et chassait les clous comme dans le sabot de son bidet. Mais au baisser du soleil, débarrassé de l’outil, le temps d’abandonner le long tablier de toile grise, fleurant le bois varlopé et l’encaustique pour endosser le sarrau bleu, — bonsoir la compagnie — il s’éclipsait. Lorsque je m’informais de lui, ses frères haussaient les épaules d’un air de supériorité de gens émoussés aux fredaines de la jeunesse ; la gentille Jô rougissait comme une pomme de « belle-fleur », quant au père, il grommelait entre ses dents des choses peu obligeantes pour les paroissiennes de Doersel assotées de son garnement de culot. Cependant, pourvu que la besogne ne souffrît pas, le vieux Tybout laissait pleine liberté au gars de courir le guilledou ; il le préférait paillard qu’ivrogne. En effet, Mark ne buvait guère ; la femme seule le grisait et le plus clair de son argent de poche passait lors des kermesses à payer des tours de valse et des colifichets à ses amies.

Jamais moineau ne picora tant de cerises mûrissantes que cet entreprenant compagnon becqueta de vermeilles pucelles. Il ne s’amusait pas à la bagatelle et se moquait de ces dadais qui, après un langoureux pèlerinage d’herberge en herberge, reconduisent chez elles au temps