Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

féroces. Les deux sœurs ne ménageaient pas les reproches à leur frère. Sans lui, jamais ce sournois à figure de saint ne serait entré dans leur ménage. Aussi longtemps qu’ils purent, ils résistèrent aux prétentions de la transfuge. Mais Lusse allait les attaquer. Alors il fut arrêté que, moyennant paiement d’un capital de dix mille florins, la maudite, soulevée contre son propre sang, laisserait en pleine propriété au trio adverse le Bœuf bigarré, le mobilier, les labours et les pâturages dans le Polder. Durant ces débats, l’ignorante Lusse avait trouvé dans la veuve Flips une conseillère madrée et entendue.

En possession de l’argent, elle acheta un important lopin sur la grand’route, et baes Bakvisch, le bourgmestre et maître-maçon, entreprit de lui construire une maison sans étage, au moins aussi longue de façade et aussi spacieuse.

Le différend qui s’était ému entre les enfants Domus divisa bientôt la bourgade en deux camps. L’accouchement scandaleux de Lusse avait aliéné a la vierge folle les sympathies des pucelles de la congrégation qui se massèrent étroitement autour de Katto et de Zanne. Outre ces bigotes vipérines, les Domus du Bœuf bigarré rallièrent le curé, les fabriciens, les filles à marier dépitées contre ce gentil Baut et les poursuivants éconduits par la cadette des Domus, le maçon Lammens, concurrent du bourgmestre Bakvisch et son adversaire politique, et enfin, les membres de la chapelle chorale Cœcilia dont le grand Warrè, du Sabot, rival de Baut en musique et en amour, était l’âme et le porte-drapeau.