Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/49

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et l’accompagna d’un état de frais à supporter par la Société.

On avait salué spontanément la retraite des gêneurs par ce cri : « Vivent les Taureaux ! Haro sur les Bœufs ! »

Le Taureau pur excellence, c’était Baut Flips et le Bœuf, pileux animal bistourné, figurait Klaes. En veine de galanterie, les plus lyriques comparaient Lusse à la génisse fécondée par le taureau et l’opposaient à ses sieurs, deux vaches bréhaignes et coriaces. Lusse Domus mit le comble à l’exaltation des Taureaux en annonçant à l’assistance délirante que leur Baut était remplacé et que, dans trois mois, elle s’appellerait baezine Flips.

On entama un demi-tonneau de bière de Louvain pour étrenner le nouveau baes. Et le gentil Baut, dont l’uniforme attirait les regards attendris et protecteurs des francs gars, joua sur son cornet-à-pistons les martiales sonneries du régiment. Elles rappelaient à Lusse le paysage embrumé de Molenbeek, sa halte anxieuse devant le Petit-Château, et, rassurée aujourd’hui, des larmes de joie troublaient ses yeux.

La boisson et l’entrain aidant, ce concert improvisé se prolongea. On rit, on chanta, on se bouscula même un peu, mais sans pousser les choses au pire, histoire pour les bons drilles de se réconcilier, de se taper dans la main et de trinquer avec plus d’effusion et de tendresse encore. Les Domus et les scissionnaires, rassemblés au Bœuf bigarré, entendaient les éclats de rire moqueur et les lardons à leur adresse, et les hourrahs et les « bans » en l’honneur des fiancés.