Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/54

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ailes des bonnets palpitaient comme des papillons blancs. Les oriflammes éclatantes servant de brides claquaient avec un joyeux froufrou. Les coqs picorant sur les fumiers observaient, la crête dressée, de leur œil rond cette traînée tapageuse et jetaient un rauque cri d’alarme et les vaches éparses dans les pacages se rapprochaient des échaliers pour reconnaître leurs maîtres.

On rentra, les pieds poussés par les fringales du midi.

La table mise pour trente personnes se dressait en longueur dans la grande salle du Taureau jovial. Les femmes se débarrassèrent de leurs failles et de leurs ornements incommodes. On se casa, les notables à la tête de la table avec les époux, les autres au hasard. Après un vermicelle gras, lapé avec recueillement, parurent des quartiers de viande saignante, et des pyramides de pommes de terre, des côtelettes de porc et des choux verts, des saucisses cuites dans les choux rouges, et encore des poulets dorés à point, engraissés, farcis de veau haché et flanqués de saladiers où les laitues s’ensanglantaient de rondelles de betteraves, et enfin des platées de riz au lait et au safran, sans compter les fricadelles, les jambons, les bardes de lard, les compotes aux pruneaux et aux pommes, pris comme hors-d’œuvre ou comme assaisonnement. Jamais à Doersel, teerdag n’avait réuni pareille succession de mangeailles. Pour le boire, des cruches de bières, blanche de Louvain ou brune d’Anvers, continuellement renouvelées, circulaient de voisin à voisin. Les verres à vin firent leur apparition avec la volaille. On se récria. Les plus civilisés décoiffaient les bordelaises cachetées