Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/56

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De temps en temps, des hommes sortaient et venaient se rasseoir avec des soupirs de bien-être ; des bâfreurs glorieux essayaient vainement de loger leurs doigts entre leur ventre et la ceinture de leurs culottes. Les femmes ne se risquaient au dehors que par escouades et leur éclipse, comme leur réapparition, provoquaient des ovations délirantes.

Le soir les surprit en train de lamper. La braise des cigares et des pipes marquait déjà dans les ténèbres, lorsqu’on alluma les quinquets. La conversation languissait et le travail de la digestion ankylosait les gestes.

Un déchaînement de fanfares vint faire heureusement diversion aux plaisanteries languissantes.

La Société Entre-Nous donnait sa sérénade au nouveau couple. Baut et Lusse coururent à la porte et les convives se débandèrent à leur suite. Rangés en croissant devant l’estaminet, le chef au centre, ils attaquèrent le patrial Où peut-on être mieux, puis un pot-pourri sur la Fille Angot, morceau favori du brave Baut.

Des gamins dépenaillés brandissaient les torches pour éclairer les musiciens et, lorsqu’elles se charbonnaient, ils les renversaient et la flamme s’avivant, la résine s’égouttait en langues de feu sur le sol.

Baut leur serra la main à tous et Lusse circulait avec un plateau chargé de verres de vin que les crânes sablaient en faisant claquer la langue. Ces soiffards vidèrent prestement les bouteilles réservées à leur intention. Ils terminèrent le concert par la sautillante Brabançonne et prirent congé des mariés en les congratulant dans